Le prieuré, la tombe, et la chaumière : un enfermement féminin dans la vanité et la recherche de plaisirs terrestres - Nantes Université Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2022

Le prieuré, la tombe, et la chaumière : un enfermement féminin dans la vanité et la recherche de plaisirs terrestres

Résumé

Je propose d’explorer la thématique du cercle étroit à travers le prisme de trois poèmes anglais tardomédiévaux. Sans liens apparents, ils tendent toutefois un miroir de la femme enfermée dans une image (motif littéraire fréquent à l’époque), qui l’associe à l’attachement au paraître ou à la quête de gratification égoïste et immédiate de désirs terrestres fort éloignés de la préoccupation spirituelle des choses dernières — la mort, le jugement, le ciel, et l’enfer. La bourde intitulée The Lady Prioress dresse le portrait de la prieure d’une nonnerie. Les vœux qu’elle a prononcés la destinent à l’isolement. Or, elle est courtisée par trois hommes. Soucieuse de préserver sa chasteté, elle use d’un astucieux stratagème pour les évincer, et, pécuniairement, tire profit de cette ruse. Ironiquement, malgré le confinement auquel elle est vouée, la religieuse dupe habilement ses admirateurs importuns, révélant à cette occasion un mépris doublé d’un appât du gain. Fière de son rang élevé et de sa grande beauté, la prieure est enfermée dans l’image féminine idéalisée héritée de la tradition courtoise. The Lady Prioress se situe en contrechamp d’un poème au registre plus grave, A Disputacioun betwyx þe Body and Wormes, lui aussi sous-tendu par le thème de la vanité féminine, impuissante face à la mort. Dans A Disputacioun le poète-narrateur, fuyant la peste, entre dans une église pour se recueillir. Alors qu’il remarque l’épitaphe orné sur la tombe d’une dame de haute naissance, il s’endort. En songe, il entend le corps dialoguer avec la vermine qui le ronge. Si l’effigie de cette femme glorifie sa beauté, elle emprisonne la morte dans l’illusoire tentative d’immortaliser la fraîcheur de sa jeunesse, dont la fugacité est rappelée par la manducation des vers qui grouillent sur son cadavre. La construction du poème corrobore un enfermement car la vision du corps en décomposition donne lieu à un subtil emboîtement de la narration. À la fin, paradoxalement, l’acceptation par la morte de sa désagrégation charnelle, dans la perspective eschatologique d’une résurrection, est rendue possible par l’enfermement dans la tombe. L’aveuglement de la défunte peut se lire comme un emprisonnement dans le cercle étroit des apparences, qui éclipse la dimension spirituelle de l’âme aspirant à la transcendance béatifique. Enfin, The Freiris of Berwik traite d’une forme de confinement, celui du foyer, de la vie conjugale, et des tâches domestiques afférentes à la sphère féminine. L’épouse adultère d’un aubergiste est piégée par son propre stratagème, murée dans le silence d’un secret qu’un personnage tout aussi cauteleux menace de révéler. Elle aussi est prisonnière de sa vanité et de la poursuite de divertissements qui contreviennent au sacrement du mariage. Ces trois textes moyen-anglais semblent réduire la femme à un attachement excessif aux apparences et aux plaisirs sensuels, qui les conduit à l’humiliation d’être moquée ou dévorée par les vers, ou qui, au contraire, sert leurs desseins, spirituels comme matériels.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04598403 , version 1 (03-06-2024)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04598403 , version 1

Citer

Agnès Blandeau. Le prieuré, la tombe, et la chaumière : un enfermement féminin dans la vanité et la recherche de plaisirs terrestres. Le cercle étroit. Femmes à l’épreuve de l’enfermement dans la littérature du Moyen Âge à nos jours, Nantes Université, Dec 2022, Nantes, France. ⟨hal-04598403⟩
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