Le martyr(e) observé au kaléidoscope : quelques exemples littéraires dans l’Angleterre de la fin du Moyen Âge
Résumé
La Haggadah récitée à l’occasion du service du Seder le premier soir de Pessah exprime la reconnaissance du peuple d’Israël à Dieu pour avoir restauré le courage des martyrs face aux puissances démoniaques qui leur ont ôté la vie (The Concise Family Seder, Rabbi Kolatch, New York, 1987, 32). Dans un tout autre registre, à une époque ultérieure, l’hagiographie chrétienne anglo-saxonne exalte les martyrs et les saints, dont l’anéantissement physique, spectaculairement violent, est interprété comme une victoire spirituelle sur les forces ennemies, en l’occurrence l’envahisseur Viking. The Anglo-Saxon Chronicle glorifie la bravoure du roi saxon Edmund, mort en défendant sa foi en 869 face aux païens. Vers 990, Aelfric relate en vieil-anglais la Passion du monarque martyr suivant le modèle christique. L’imitatio Christi, qui préside à une conduite sacrificielle héroïque, invite à la comparaison des assaillants aux Juifs hostiles qui cherchèrent à pousser le Christ au déni de Dieu. L’image du roi sanctifié est même assimilée à celle de saint Sébastien, rapprochement mentionné dans The Old English Martyrology. Le corps percé de flèches, Edmund continue de clamer son amour du Christ, ce qui lui vaut d’être décapité. Le martyre enduré se double d’un miracle. Il revêt une dimension thaumaturgique: la tête séparée du tronc, l’homme crie pourtant le nom du Sauveur, lit-on. À la fin du XIVe siècle, on retrouve dans The Prioress’s Tale de Chaucer le motif de la parole du martyr se prolongeant au-delà des mutilations corporelles subies. Un enfant chrétien est précipité par des Juifs dans leur fosse d’aisance, puis égorgé pour avoir chanté la gloire de la Vierge Marie. Vidé de son sang, il conserve l’usage de sa voix cristalline, véhicule de l’espérance chrétienne. Le topos de l’innocente victime de l’intolérance hérétique s’avère assez fréquente dans la production littéraire anglaise tardo-médiévale. L’examen de divers traitements de la figure du martyr s’appuiera sur une palette générique suffisamment large pour inclure sermon, mystère, ou encore récit inspiré de vies de saints.
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